Jeux de mots mongols

Jeux de mots mongols

Ts. Shagdarsüren & M.-D. Even

37th Meeting of the PIAC, Chantilly 1994

À côté des diverses sortes de jeux qui développent la force physique et la détermination des jeunes generations, leur éveillent l’esprit ou les preparent aux tâches pratiques de la vie quotidienne, il en est une qui est proches de nos jeux de mots, calembours et autres “tongues twisters”.

Leur appellation varie : selon le cas, c’est la rapidité de prononciation qui est mise en avant, ou bien la difficulté à les prononcer et les lapsus qu’ils entraînent, ou encore leur fonction pédagogique.

C’est dans le cadre familial que les enfants s’entraînent, au moyen de ces expressions, à distinguer entre des sons proches qu’ils tendent à confondre. Ainsi, l’opposition entre les sons r et l et celle entre b et m fondent la plupart de ces jeux de mots. Ces expressions ont toujours un sens, sont versifiées et comptent le plus souvent entre deux à six vers. Dans certains cas, elles ne sont formées que de quelques mots (xürel ilüürijn bariul “la poignée du fer de bronze).

Chez les Mongols, ces “emmêleurs de langue” relèvent aussi du domaine du calembour à connotation sexuelle. C’est ainsi que les jeunes gens, lorsqu’ils se réunissent lors de fêtes ou de soirées, s’essaient les uns et les autres à prononcer des expressions rapides, mais en en choississant certaines, ou en en créant de nouvelles, dont la repetition entraine une inversion de son s’accompagnant d’un glissement de sens grivois (altan mös “glace dorée” ➝ al töms — “entrejambe — testicules”.

Cette transformation des expressions rapides de l’enfance en lapsus-contrepéteries par les générations en âge de procréer pourrait être analyséee à la lumière des éléments sexuels présents dans d’autres activités ludiques des Mongols, telles que la représentation des ongon de jeu par le chamane bouriate (nadani ongon), où relations sexuelles et procréation servent de modèle social garantissant la survie de ces petites communautés.